Un employé qui quitte son employeur reçoit son pécule de vacances de façon anticipée. Jusqu’à maintenant, la pratique est que l’année suivante, lorsque cet employé prend ses vacances principales, le nouvel employeur impute la totalité de cette « avance » en une fois. Le SPF Emploi a considéré que cette pratique est illégale. Le ministre Dermagne a donc saisi le CNT pour que celui-ci propose une solution. Après de longues discussions, les partenaires sociaux ont formulé une proposition qui a été suivie par le législateur dans un récent arrêté royal.
Contexte
Depuis environ 50 ans, la pratique en matière de régularisation (ou d’imputation) du pécule de vacances de départ (également appelé pécule de sortie) était que la retenue était opérée pour le tout en une seule fois au moment de la prise par l’employé de ses vacances principales. Cette pratique était reprise dans les instructions administratives de l’ONSS et communément appliquée par les secrétariats sociaux, sans que cela ne fasse l’objet de discussions.
Récemment, la compétence en matière de vacances annuelles a été transférée du SPF Sécurité sociale vers le SPF Emploi, et à cette occasion, ce dernier a considéré que la pratique susmentionnée contrevient à l’article 23 de la loi de protection de la rémunération. Cette disposition contient la liste limitative des situations dans lesquelles une retenue sur le salaire mensuel peut être effectuée par l’employeur et la régularisation du pécule de vacances de départ n’y est pas reprise. Par ailleurs, il y a une limite de 20 % de la rémunération nette pour les cas qui, eux, sont bien visés par cet article 23.
L’administration en a informé le ministre du Travail Dermagne et celui-ci a saisi le CNT pour l’inviter à proposer une solution. Il y avait trois options sur la table :
- modifier (tout simplement !) l’article 23 de la loi de protection de la rémunération pour ancrer dans la législation la pratique observée sur le terrain depuis des décennies. Les organisations d’employeurs étaient favorables à cette option, mais les syndicats n’en ont pas voulu ;
- procéder dorénavant à un nouveau calcul du salaire chaque mois durant lequel l’employé prend au moins un jour de vacances. C’était la formule préconisée par le SPF Emploi, mais cette pratique aurait été peu prévisible et très complexe tant pour l’employé que pour l’employeur (variation du salaire de mois en mois), avec une augmentation importante de la charge administrative pour ce dernier ;
- faire son deuil de la pratique retenue jusqu’ici et mettre en place un dispositif qui réponde à l’objection du SPF Emploi tout en rencontrant plusieurs objectifs : la sécurité juridique pour l’ensemble des acteurs concernés, la prévisibilité pour l’employé, la faisabilité dans la gestion administrative pour l’employeur et la communication et la transparence vis-à-vis des employés.
Après de longs mois de discussions, les partenaires sociaux ont pu se mettre d’accord sur une solution basée sur la troisième option, avec aussi l’aide des secrétariats sociaux qui ont activement participé à ce travail.
Qu’est-ce qui change à partir du 1er janvier 2024 ?
Dorénavant, la règle sera de procéder en deux phases. Dans une première phase, le nouvel employeur devra imputer forfaitairement 90 % du pécule de vacances lorsque l’employé prendra un jour de vacances. Dans une deuxième phase, en décembre (ou quand le contrat de travail prend fin), une correction suivra, le cas échéant.
- Première phase de la régularisation
Dans une première phase, le simple pécule de vacances sera imputé à 90 %. Cela se fera chaque fois que le nouvel employé prendra un jour de vacances annuelles. On déduira 90 % du salaire journalier brut de ce jour de vacances. En d’autres termes, l’employé recevra 10 % du salaire journalier brut pour chaque jour pris. L’imputation n’aura donc plus lieu en une fois et la situation où le nouvel employé prend ses vacances principales et ne perçoit donc aucun salaire puisqu’il a déjà reçu son pécule de sortie l’année précédente ne se produira plus. Si l’employé étale la prise de ses vacances annuelles sur plusieurs mois, l’employeur devra alors imputer le simple pécule de vacances de départ sur plusieurs mois.
- Deuxième phase de la régularisation
La deuxième phase aura normalement lieu chaque année en décembre. L’employeur devra vérifier si une correction est nécessaire. Ce sera le cas lorsque le salaire auprès de l’ancien employeur et le salaire auprès du nouvel employeur diffèrent. Le cas échéant, il faudra imputer le solde du pécule de vacances de départ ou au contraire payer un complément à l’employé si l’imputation forfaitaire a été excessive.
S’il y a lieu d’opérer une retenue supplémentaire, celle-ci se fera sur le salaire du mois de décembre (ou du moins où le contrat de travail prend fin). On considère alors que le montant du trop-perçu du simple pécule de vacances par l’employé était en fait une avance sur salaire. Lors de cette imputation, l’employeur pourra normalement retenir un maximum de 20 % du salaire net. Si le montant à retenir excède 20 %, l’employeur devra étaler cette retenue sur deux mois (article 23 de la loi de protection de la rémunération oblige), sauf accord entre les parties pour quand même imputer la correction en une fois.
Attention : alternativement à la règle décrite ci-dessus, l’arrêté royal permet à l’employeur qui le souhaite de procéder à une déduction effective par jour de congé pris, comme le préconisait le SPF Emploi. Mais, comme indiqué, cette option peut être administrativement très lourde et complexe dans la mesure où elle nécessite un recalcul chaque mois au cours duquel au moins un jour de vacances annuelles est pris. À la différence de l’autre option, on n’applique en effet pas de forfait.
Communication et transparence vis-à-vis de l’employé
L’arrêté royal prévoit également que l’employeur doit informer l’employé de ce nouveau mécanisme de régularisation du pécule de vacances de départ. Cette transparence se situe à trois niveaux :
- L’ancien employeur devra mentionner explicitement les nouvelles règles d’imputation sur l’attestation de vacances. Les partenaires sociaux du CNT ont élaboré un modèle à cet effet, avec l’aide des secrétariats sociaux.
- Si l’employé le demande, le nouvel employeur devra lui fournir des explications claires concernant la formule de calcul appliquée et les règles d’imputation. Cette information pourra se faire sur papier ou par voie électronique.
- Le nouvel employeur devra informer le nouvel employé des (éventuelles) corrections apportées via la fiche de paie de décembre (ou du mois où le contrat de travail prend fin).
Quid du double pécule de vacances ?
Ce nouveau système ne s’applique qu’en matière de régularisation du simple pécule de vacances. Concernant le double pécule de vacances, rien ne change : en 2024, il sera toujours imputé en une fois. Cela continuera généralement à se faire dans le mois durant lequel le nouvel employé prendra ses vacances principales.
Et pour les ouvriers ?
Là encore, rien ne change : ni concernant le mode de calcul du pécule de vacances ni sur le fait qu’il est payé par les caisses de vacances. En revanche, ces nouvelles règles s’appliqueront également lorsqu’un ouvrier changera de statut et deviendra employé.
Source : UNISOC
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